TANNERY, Franck

Stratégie en temps de crise - Paris : Lavoisier, avril 2009

La stratégie n’existe que par la crise. Signe de réussite tout d’abord lorsque la stratégie crée chez l’autre une crise par l’épuisement ou l’annulation de sa capacité d’action. Mais aussi objet de la stratégie puisque l’édiction de critères d’action et d’orientation pour l’avenir vise à contenir la crise qui pourrait advenir autrement. Certains moments de crise paraissent en cela plus dramatiques que d’autres : à la fois fin d’un système stratégique et disparition des critères orientant l’action. Une telle crise radicale de fondements, à l’instar de la fin de la dissuasion nucléaire après la chute du mur de Berlin, vient de frapper le monde économique par un double effondrement. Les événements actuels remettent en cause les modes d’action établis depuis la fin des années 1980 pour répondre à la généralisation du capitalisme cognitif à la suite de l’épuisement du compromis fordien. Nous nous retrouvons ainsi plongés avant la construction des marchés ou des organisations par la main visible des stratèges ou des managers professionnels. Pour la stratégie l’étonnement ne devrait pas porter sur l’avènement de tels phénomènes. À un moment ou un autre, ils s’avèrent inéluctables. L’étrangeté vient d’ailleurs : de l’oubli de leur possibilité. Comme si la théorie stratégique n’incorporait pas de théorie de la crise. Un effort réflexif s’impose alors pour que la crise puisse effectivement rouvrir le champ des possibles et inviter à s’interroger sur ce que peut la stratégie. Dans un premier temps, il nous faut tenter de cerner les contours de cette crise de fondements pour constater ce qui est en jeu